
Grossesse et sport sont-ils vraiment incompatibles ?
GROSSESSE ET SPORT SONT-ILS COMPATIBLES ?
Une question qui questionne de nombreux organismes et notamment le Ministère de la santé. Une interrogation qui a motivé le sujet du jour.
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, les femmes pratiquent moins de sport que les hommes. En 2022, 34% des femmes ne respectaient pas les recommandations (au moins 150 min/sem) contre 29% chez les hommes. Une différence qui peut s’expliquer par des facteurs sociaux et culturels sur lesquels nous reviendrons. La grossesse est la période où la femme ne pratique peu voire pas du tout d’activité physique. Pourtant, elle est définie par l’OMS comme un facteur de bonne santé.
« Même si l’idée n’est pas encore suffisamment ancrée dans notre société, la maternité ne signifie pas pour autant l’arrêt de toute activité physique et sportive, bien au contraire ! Que ce soit pour vous détendre, vous tonifier, contrôler votre prise de poids, adoucir les petits maux de la grossesse, vous pouvez et vous devez même continuer à bouger, si votre état de santé vous le permet bien sûr. N’oubliez pas que l’épanouissement du bébé passe aussi par celui de la maman ! », déclarait par le ministère des Sports et Jeux Olympiques et Paralympiques.
C’est pourquoi, la ministre a souhaité publier un guide sur la pratique d’activités physiques et sportives pendant et après la maternité, avec le concours de professionnels de santé (médecins, gynécologues et sages-femmes), l’appui du Pôle Ressources National Sport Santé Bien-Être et de la direction générale de la cohésion sociale.
Avant d’évoquer les bienfaits du sport pendant la maternité, il est intéressant de déconstruire la croyance selon laquelle les femmes enceintes ne peuvent pas pratiquer de sport . Pour cela, revenons sur le rapport entre les femmes et le sport.

LES FEMMES TROP FRAGILES POUR LE SPORT
Initialement, les mentalités se sont construites autour de l’idée selon laquelle le corps de la femme était trop fragile, notamment à cause du cycle menstruel et de la grossesse.
Cette méconnaissance a conduit les femmes à être exclues pendant des siècles du monde sportif. À ce titre, les premiers Jeux olympiques modernes (1896) n’étaient ouverts qu’aux hommes. Le fondateur des JO, Pierre de Coubertin, s’était opposé à la participation des femmes. Il est d’ailleurs célèbre pour cette citation :
« Les Jeux Olympiques doivent être réservés aux hommes, le rôle des femmes doit être avant tout de couronner les vainqueurs. Leur présence est inintéressante, inesthétique et incorrecte ».
Ses propos épousent parfaitement la vision de cette époque :
- la femme est naturellement faite pour être mère, non pour être athlète ;
- l’effort physique est contraire à sa féminité et à ses fonctions biologiques ;
- l’exposition publique de son corps dans l’effort est immorale ou indécente.
Une vision conservatrice et naturaliste de la femme qui a longtemps dominé les milieux médicaux, éducatifs et sportifs, freinait l’accès à la compétition, notamment de haut niveau.
Les premières femmes apparaissent lors des JO de 1900. Une présence qui reste marginale et limitée aux disciplines du tennis et du golf. En 1922, la française Alice Milliat, militante pour la reconnaissance du sport féminin, organise les premiers Jeux mondiaux féminins. Sous la pression, le Comité International Olympique (CIO) intègre progressivement les épreuves féminines.
L’Après-Guerre marque un réel tournant, avec la montée des politiques d’éducation pour tous. De plus en plus de femmes accèdent aux sports via l’école et les fédérations, mais les inégalités restent fortes dans les sports collectifs et professionnels.
La progression continue grâce aux mouvements féministes (1970-1980). Des lois et politiques imposent une égalité d’accès au sport. Ce qui encourage l’émergence d’équipes féminines et un début de reconnaissance médiatique.
Depuis les années 1990, les écarts se sont réduits. Les JO deviennent progressivement paritaires avec presque 49% de participantes en 2020. En France, le sport scolaire, les politiques publiques et les compagnes comme « Sport pour tous » ont contribué à la pratique sportive féminine.
Malgré ces avancées, les disparités persistent. Certaines croyances caduques tombent, mais d’autres subsistent dans l’inconscient collectif. Ce retard de mentalité impacte la pratique sportive des femmes, qui restent inférieures à celle des hommes. Cette tendance s’explique par plusieurs facteurs :
- Une socialisation différenciée entre garçons et filles ;
- Des modèles féminins qui restent peu nombreux ;
- Une pression sociale sur l’apparence : peur du jugement sur leur corps ou leurs performances, surtout si elles ne correspondent pas aux normes attendues ou si l’activité est mal maîtrisée.
- Une insécurité dans l’espace public : harcèlement dans la rue ou la salle de sport.s

LE SPORT, INDISPENSABLE POUR LA PRÉPARATION PHYSIQUE DES FUTURES MAMAN
Lors de la maternité, la pression sociale s’intensifie, pouvant freiner l’activité physique pendant la grossesse, voire même après. Les représentations qu’on se fait sur la fragilité de la femme enceinte sont tenaces. Certains professionnels de santé, par prudence ou attachement aux croyances culturelles, évitent de recommander l’activité physique. Cette ambiguïté alimente l’idée « vaut mieux ne rien faire ».
En parallèle, les femmes enceintes peuvent aussi faire face à des jugements : imprudentes, égoïstes voire inconscientes. Généralement, elles sont souvent exposées à des commentaires intrusifs sur leur façon de gérer leur grossesse et leur post-partum ; la pratique sportive n’y échappe pas.
Par ailleurs, les infrastructures adaptées pour les femmes enceintes restent limitées. Peu de cours et d’espaces sont spécifiquement conçus pour elles. Ne sachant quelles activités adoptées, elles sont souvent contraintes à l’inactivité. Pourtant, l’OMS recommande 150 minutes modérées par semaine pour les femmes enceintes (sauf en cas de contre-indication). En effet, le sport est un moyen efficace de réduire les risques auxquels les femmes peuvent être confrontées pendant leur grossesse :.
- L’activité physique régule la glycémie et réduit le risque de diabète gestationnel : un type de diabète qui apparaît pour la première fois pendant la grossesse, qui peut avoir de réelles conséquences sur le bébé et amener à des complications lors de l’accouchement (macrosomie : nouveau-né en surpoids, césarienne, troubles métaboliques).
- La sédentarité favorise les troubles de tension artérielle, parfois grave pour la mère et l’enfant.
- La prise de poids excessive peut compliquer l’accouchement et favoriser le surpoids chez l’enfant.
- Les douleurs lombaires, les raideurs musculaires ainsi que des crampes sont fréquentes chez les femmes enceintes. Le manque de mouvement les aggrave.
- La maternité expose à des troubles psychologiques (anxiété ou baby blues). L’activité physique permet de les contrebalancer grâce à la sécrétion d’hormones (dopamine, sérotonine), à une meilleure qualité du sommeil et à une sensation de bien-être. De plus, les sports collectifs aident à diminuer le sentiment de solitude.
- La fragilité psychologique est aussi associée à la perte de confiance en soi. Connaître son corps dans le mouvement permet de mieux le comprendre et d’accepter les changements liés à la grossesse. Le sport renforce la conscience corporelle et la sensation de performance, améliorant l’estime de soi.
QUELS SPORT POUR LES FEMMES ENCEINTES ?
Les disciplines conseillées sont douces et relaxantes. L’objectif n’est pas la performance mais le maintien de la tonicité musculaire. L’inactivité entraîne l’atrophie, soit la diminution de la masse et du tonus musculaire. Cette perte est la cause de douleurs et inconforts accrus. Mais les conséquences peuvent être plus lourdes. Il y a un risque de perte d’équilibre et de chute (dus à un changement du centre de gravité et d’une fragilité des muscles stabilisateurs), dangereux pour la mère et le bébé. L’atrophie musculaire peut aussi compliquer l’accouchement : un périnée affaibli peut rendre la poussée difficile. Moins de muscles, c’est aussi une endurance faible, une fatigue quotidienne accrue et une récupération post- partum plus lente. Inversement, le sport lors de la grossesse maintient l’état des muscles et facilite voire accélère le retour d’un corps tonique et en bonne santé.
Parmi les activités recommandées on peut citer :
- La marche, ses impacts légers rendent cette activité accessible pour tous. Elle favorise la circulation et l’oxygénation du bébé. La mère peut la pratiquer du début à la fin de grossesse (sauf contre-indication). Le cardio doux est aussi réputée pour la réduction de stress auquel peut être sujette la future mère, à cause d’un effet hormonal et une montée d’anxiété liée au changement de vie.
- La natation ou l’aquagym sont aussi réputés pour la détente. La portance de l’eau permet de soulager le dos et les articulations. C’est aussi un moyen efficace contre les jambes lourdes et les œdèmes.
- Le vélo d’appartement est un autre exercice doux et efficace pour la circulation sanguine et le retour veineux. De plus, il préserve des risques de chutes. Il peut être pratiqué au 1er et au 2eme trimestre, mais il est à adapter selon le confort et l’équilibre.
- Le pilâtes prénatal permet un renforcement en douceur du périnée, des abdos et du dos. Il est recommandé pour contrer les pertes d’équilibre et soulager les douleurs lombaires. Cette discipline est réputée pour favoriser le bon fonctionnement du bébé dans l’utérus. Les muscles abdominaux profonds et le plancher pelvien tonifiés maintiennent davantage l’utérus, ce qui aide une descente progressive du bébé dans une position optimale. En parallèle, le travail d’alignement du bassin (ni trop incliné vers l’avant, ni trop verrouillé) aide le bébé à mieux se retourner ou à s’engager correctement dans le canal pelvien. L’association avec les exercices d’assouplissement du psoas et des fessiers libère l’espace dans le bassin et encourage le bébé à s’orienter tête en bas (position céphalique). De plus, la conscience corporelle interne (respirations, tensions, asymétrie) qu’offre le pilâtes aide la future mère à ajuster ses mouvements et ses positions dans le quotidien, ce qui influe directement la position fœtale. Il peut être commencé au 2e et 3e trimestre avec un encadrement adapté.
- Le yoga prénatal s’associe très bien au pilâtes. Il améliore la souplesse, la respiration et la posture. Sa pratique aide aussi à réduire le stress, l’anxiété et les douleurs. La gestion des émotions et du corps qu’offre cette discipline est une bonne préparation mentale et physique à l’accouchement. Il est recommandé après le 2e trimestre (passés les risques du 1er trimestre ) jusqu’à l’accouchement.
Les sports à éviter :
- Des disciplines qui représentent des risques de chute ou de choc, tels que le ski, l’équitation et les sports de combat.
- Des activités sollicitant un fort travail abdominal non adapté (crunch) sont déconseillées. Ils augmentent la pression intra abdominale, ce qui peut créer ou aggraver une diastasis (séparation des muscles abdominaux).
- Dans les précautions à prendre en compte, il est important d’intégrer le contrôle de l’environnement. La plongée sous-marine représente des risques de décompression pour le bébé (qui ne peut pas réguler les gaz dans son organisme) et les sports d’altitude qui diminuent l’oxygène pour le fœtus.
En résumé, la femme a été, au regard de l’histoire, récemment admise dans l’univers sportif. Malgré l’évolution des mentalités, les vieilles croyances sur la maternité continuent de persister. Or, la sédentarité chez les femmes enceintes n’est pas un gage de prévention : elle peut aggraver les risques liés à la grossesse et ralentir la récupération post-partum. Le sport est vital pour chaque personne, à tout âge et pour chaque situation. L’essentiel est de l’adapter pour en tirer le meilleur. Avant d’être pratiqué, le sport est une science à comprendre. La sédentarité est bien reconnue comme l’une des premières causes de mortalité par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), cependant, bouger sans connaissance représente aussi des conséquences à ne pas sous-estimer.
L’accompagnement par un professionnel est indispensable, au même titre qu’un médecin en cas de pathologie. Il est préférable d’investir dans un accompagnement de qualité afin d’éviter les blessures, les complications, et optimiser son bien-être et sa santé.

Hajare HARIR
Diplômée en sociologie appliquée – Université de Paris Descartes ;
Coach sportive spécialisée boxe et pilâtes.
Sources
https://www.sports.gouv.fr/guide-de-la-pratique-sportive-pendant-la-maternite-824