
LE SPORT APRÈS 40 ANS
« Quarante ans c’est l’âge où la vie extérieure ralentit et la vie intérieure commence » disait Shams dans Soufi mon amour de Elif Shafak. Une citation empreinte de spiritualité qui se vérifie scientifiquement. En effet, autour de 40 ans, la masse musculaire commence à diminuer (sarcopénie), et la récupération se fait plus lentement. Parallèlement, le cerveau mûrit. Le cortex préfrontal, siège de la réflexion, du discernement et de la régulation émotionnelle, atteint sa pleine maturité entre 35 et 45 ans. C’est pourquoi la capacité à prendre du recul se développe davantage à cet âge. Comment vivre ses 40 ans en limitant les effets liés au déclin biologique ? Nous allons chercher à y répondre en mettant la focale sur l’angle sportif.

La quarantaine, le corps laisse place à la reflexion
La vitesse de réaction diminue, mais le cerveau s’adapte en utilisant la mémoire à long terme, c’est-à-dire l’expérience de vie et les schémas solides enregistrés, pour analyser les situations. L’exploitation du cortex préfrontal (gestion du raisonnement) devient plus importante que les émotions brutes. L’individu passe d’une logique de conquête à une logique de sens. Il développe son empathie et les solutions coopératives. La compétition laisse place à la quête de transmission. Si l’esprit gagne en sagesse c’est parce que le corps ralentit et l’amène à prendre davantage de recul pour observer et analyser l’action. Pour conclure, la réduction d’énergie est compensée par l’acquisition l’expérience de la vie.
Après 40 ans, le corps entre dans un déclin naturel
Le déclin physique débute, comme mentionné précédemment, par la sarcopénie : phénomène naturel qui concerne les quadragénaires ; avec une perte de 1% de muscles par an (sans entraînement). Les articulations se détériorent également ; elles deviennent plus rigides en raison de l’usure du cartilage, ce tissu conjonctif qui prévient les frottements entre les os.
Les os, à leur tour, subissent une perte de densité (surtout chez les femmes) conduisant à l’ostéopénie puis l’ostéoporose.
La diminution des muscles impactent directement le métabolisme basal, c’est-à-dire la quantité d’énergie que le corps dépense au repos. Le muscle étant un tissu conjonctif très actif, il consomme des calories même sans activité. Ainsi, si la masse musculaire décline, le métabolisme basal ralentit. C’est pourquoi après 40 ans, sans changer son alimentation, la prise de poids est rapide, notamment autour de la ceinture abdominale.
Ce cheminement vers le nadir biologique continue avec les changements hormonaux. Les femmes traversent la pré-ménopause puis la ménopause, période marquée par la baisse d’œstrogènes et de progestérones. Les œstrogènes jouent un rôle clé dans la thermorégulation via l’hypothalamus (centre de contrôle du cerveau pour la température). Leur chute entraîne une réaction excessive, provoquant des bouffées de chaleur et des sueurs dues à la dilatation des vaisseaux sanguins.
Le rôle des œstrogènes ne se limite pas seulement à la reproduction : ils influencent aussi la sérotonine (hormone du bien-être), la dopamine (motivation, plaisir), noradrénaline (attention,
régulation du stress) et le GABA (relaxation). Leur diminution perturbent l’équilibre de ces neurotransmetteurs, générant stress, irritabilité, perte de sommeil et variation de l’humeur. Par ailleurs, leur carence favorise le stockage de graisse viscérale (plus dangereuse pour la santé).
Les hommes ne sont pas épargnés : ils subissent aussi la baisse progressive de la testostérone (andropause), provoquant une perte d’énergie, de libido et de fonte musculaire.
Le système cardiovasculaire est lui aussi concerné. Avec l’âge, les artères se rigidifient, augmentant les risques d’hypertension, d’incidents vasculaires cérébraux et d’infarctus.
La mélatonine diminue également, fragilisant le sommeil, ce qui amplifie le stress et ralentit la récupération.
La presbytie (vue de près altéré) constitue un autre symptôme lié à l’apparition de la quarantaine. Le cristallin, la lentille naturelle de l’œil, perd sa souplesse, ce qui rend difficile l’accommodation (la mise en point sur des objets proches). Par ailleurs, les cellules photo-réceptrices (bâtonnets et cônes) de la rétine vieillissent, ce qui réduit la sensibilité à la lumière, la perception des contrastes et l’adaptabilité à l’obscurité. La qualité des larmes se dégradent aussi, favorisant la fatigue oculaire et les troubles de la vue.
Le déclin biologique atteint aussi l’ouïe. La cochlée (organe de l’audition) est composée des cellules ciliées qui transforment les sons en signaux nerveux. Avec l’âge, ces cellules- notamment celles qui captent les sons aigus- s’altèrent ou disparaissent. Ne se régénérant pas, leur disparition est progressive et irréversible.
De plus, la perte d’élasticité des structures de l’oreille (tympan et osselets) entrave la transmission des sons.
Enfin, le système immunitaire s’affaiblit aussi à partir de la quarantaine, un phénomène appelé l’immunosénescence. Les lymphocytes B et T (globules blancs protecteurs) se raréfient, rendant le corps plus vulnérable face aux infections. Par ailleurs, avec le temps, le corps subit des inflammations chroniques de bas grade, dites silencieuses, qui usent progressivement le système immunitaire.

Se protéger à la quarantaine
grâce au sport
Le sport fait partie des remèdes recommandés pour affronter ce tournant physiologique et biologique.
Le renforcement musculaire est essentiel pour ralentir la sarcopénie. Gagner du muscle permet de maintenir un métabolisme basal actif, ce qui favorise la dépense calorique même en repos. Cela limite la prise de poids et réduit la graisse viscérale.
Par ailleurs, l’activité physique améliore la circulation sanguine et régule la glycémie, contribuant ainsi à prévenir les maladies cardiovasculaires, le cholestérol élevé ou le diabète.
Le sport stimule également la neuroplasticité, ce qui protège le cerveau du déclin cognitif. Il augmente la sécrétion de BDNF (brain neurotrophic factor), une protéine considérée comme un véritable « engrais neuronal». Ce facteur améliore les connexions entre neurones et contribue à prévenir les maladies neurodégénératives. L’élévation du rythme cardiaque, la respiration accélérée (oxygénation) et la coordination des mouvements activent plusieurs zones cérébrales notamment l’hippocampe (chargée de la mémoire), stimulant ainsi la production de BDNF.
Face aux effets liés à la ménopause ou l’andropause, l’activité physique se présente comme un véritable régulateur. Elle aide à atténuer les bouffées de chaleur, l’insomnie et l’irritabilité. Elle rééquilibre la sécrétion d’hormones du stress (cortisol) par celles du bien-être, tout en maintenant l’efficacité des mécanismes de thermorégulation malgré le vieillissement.
Le renforcement musculaire stabilise les articulations et ralentit l’usure du cartilage et celle des tendons. Ces derniers bénéficient du pompage articulaire, qui facilite l’échange du liquide synovial, lubrifiants naturels. Sans mouvement le cartilage s’assèche et s’abîme, accélérant l’apparition de l’arthrose. L’exercice physique stimule les fibroblastes (cellules de la peau et des tendons) ainsi que les chondrocytes (cellules du cartilage), qui produisent du collagène pour réparer, renforcer et entretenir les tissus sollicités. Cette réaction naturelle permet de préserver la santé articulaire et l’élasticité de la peau.
Les os, eux aussi, tirent profit du sport. L’ostéoporose, fréquente après 40 ans, peut être freinée grâce aux chocs contrôlés ou des exercices de résistance. Les microfissures créées par ces contraintes mécaniques activent les ostéoblastes (cellules qui fabriquent les os), via un processus appelé la mécanotransduction : la contrainte signale à l’os qu’il doit se renforcer.
Concernant l’ouïe et la vue, le sport ne peut pas empêcher leur déclin, mais il contribue à le ralentir. L’amélioration de la circulation sanguine active la microcirculation, y compris dans les petits vaisseaux de la rétine, du nerf optique et de l’oreille interne.

Du sport mais pas n’importe comment
Il ne suffit pas de pratiquer du sport pour en tirer les bénéfices : il est essentiel de l’adapter à ses besoins et à son âge.
La diversité dans le programme hebdomadaire est recommandée afin de garantir la complémentarité des effets. Les exercices d’endurance douce, tels que la marche, le vélo ou la natation, renforcent le système cardiovasculaire et réduisent les risques d’AVC. En parallèle, le renforcement musculaire est crucial pour maintenir la masse maigre et un métabolisme actif. Il peut prendre la forme de la musculation légère, de travail au poids de corps ou de Pilâtes, reconnu pour ses bienfaits sur la posture et les douleurs articulaires. Le stretching et les exercices d’équilibre ont tout autant un rôle clé : ils préservent la souplesse articulaire et tendineuse tout en diminuant les risques de chute. On peut compléter cette routine en y intégrant des pratiques comme la méditation et la respiration consciente, qui réduisent le stress et protègent le système nerveux ainsi que les fonctions cognitives. Pour un entraînement plus complet, les activités à impact modéré, comme la course, renforce les appuis grâce aux systèmes de mecanotransduction. La danse est aussi une excellente alliée : elle permet de travailler l’équilibre, la coordination et la mémoire, tout en stimulant l’hippocampe et la neuroplasticité. La clé ce cocktail sportif est la régularité : 30 min par jour sont plus efficaces que de concentrer tout l’effort dans une seule séance par semaine. Passé 40 ans, le corps demande davantage de récupération et il est essentiel d’être à l’écoute de ses signaux pour limiter les risques de blessures.
Ce tournant marque également une nouvelle relation aux corps. Les changements hormonaux et la baisse des capacités physiques imposent davantage de vigilance. Maintenir une activité régulière devient crucial pour ralentir le déclin fonctionnel. Le suivi sportif s’avère
plus important que jamais : Les interruptions physiques prolongées ont un impact plus marqué qu’à 20 ou 30 ans, car la masse musculaire diminue rendant la reprise plus exigeante. À ce stade, la constance prime sur la performance. Les objectifs changent, tout autant que les méthodologies d’entraînement. Il est préférable de privilégier la régularité, sans forcément chercher l’intensité, pour se préserver dans la durée. Encore une fois, éviter les grandes coupures pour bénéficier des effets positifs de l’activité physique.
Chaque phase de la vie appelle une révision de ses habitudes. Mais toute adaptation passe par l’acceptation – un processus souvent difficile dans une époque où le culte de la jeunesse et de la performance tend à gommer les courbes naturelles du vieillissement. Cette pression peut entraîner un déni ou un mal-être face aux transformations du corps. Le mouvement, à l’inverse, offre une meilleure connaissance de soi physique et mentale et aide à vivre ces transitions plus sereinement.
https://www.humanfab.com/reprendre-le-sport/#:~:text=Cependant%2C%20l’Organisation%20m ondiale%20de,au%20long%20de%20la%20semaine
Hajare HARIR
Diplômée en sociologie appliquée – Université de Paris Descartes ;
Coach sportive spécialisée boxe et pilâtes.
Sources
https://www.sports.gouv.fr/guide-de-la-pratique-sportive-pendant-la-maternite-824