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TMS ET SPORT : COMPRENDRE LE PARADOXE DE LA MODERNITÉ

LE PROGRÈS TECHNOLOGIQUE NOUS FAIT GAGNER DU TEMPS MAIS À QUEL PRIX POUR NOTRE CORPS ? 

Modernité, haute valeur ajoutée, numérique, IA, physique quantique  … une ère marquée par un progrès jamais connu par l’humanité… mais est-ce au détriment de l’individu ?                                                                                                                                               

Les technologies conçues pour économiser le temps, peuvent en revanche sacrifier le corps. La prévalence des troubles musculo-squelettiques (TMS) a augmenté avec le développement des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) et de la sédentarité au travail.

Selon le rapport publié par Santé Publique France en mars 2024, en France et dans le monde, les troubles musculo-squelettiques (TMS) constituent la première cause de morbidité liée au travail et la 1re cause de maladies professionnelles indemnisées avec 88 % des maladies professionnelles reconnues par le régime général avec 45000 cas par an :. Ces données confirment que près de 60 % des femmes et plus de 50 % des hommes déclarent des douleurs liées aux TMS du dos ou du membre supérieur. Ces chiffres font de ces troubles un problème massif poussant les organismes de santé publique à intervenir. La perte de productivité, les arrêts maladies, les indemnisations, les soins médicaux ou encore les remplacements temporaires qu’impliquent ces pathologies coûtent des milliards d’euros à l’Etat et aux entreprises, motivant les pouvoirs publics à des programmes de prévention pour limiter les coûts collectifs. Encore une fois, parmi les outils engagés, on retrouve le sport, notamment dans le Programme National Nutrition Santé (PNNS) ou dans l’obligation légale appliquée aux entreprises comme le Programme Annuel de Prévention des Risques Professionnels et d’Amélioration des Conditions de Travail (PAPRIPACT).

Longtemps considérée comme symptôme, elle est reconnue comme une maladie chronique du système nerveux avec des dimensions biologiques, psychologiques et sociales. Cette reconnaissance a conduit à une évolution des politiques publiques, qui cherchent désormais à prévenir le passage de la douleur aiguë à la douleur chronique. Parmi les grands dispositifs, on retrouve les stratégies “One health” et “Santé 2030”, intégrant dans leur programme la lutte contre la sédentarité et le manque d’activité physique.

En tant que spécialistes du mouvement, nous aborderons le sujet principal sous l’angle du sport comme moyen de prévention et de gestion de la douleur.

Les Troubles musculosquelettiques définies par le Ministère

Avant d’expliquer comment le sport agit sur les TMS, commençons à en définir les symptômes et les causes.

Le site du Ministère du travail et des solidarités lie les « troubles musculo-squelettiques

» (TMS) directement aux conditions de travail. Elles regroupent « un ensemble de maladies localisées au niveau ou autour des articulations : poignets, coudes, épaules, rachis ou encore genoux. Ces pathologies concernent les muscles, tendons et gaines tendineuses, les nerfs, les bourses séreuses, les vaisseaux sanguins, les articulations, les ligaments, à la périphérie des articulations des membres supérieurs, de la colonne vertébrale et des membres inférieurs ».

Les douleurs sont répertoriées en plusieurs niveaux :

  • Niveau 1 : les apparaissent durant une activité et disparaissent au repos ;
  • Niveau 2 : les symptômes apparaissent rapidement lors des activités et mettent plus longtemps à disparaître au repos ;
  • Niveau 3 : les symptômes telles que douleurs, lourdeur, .. sont chroniques et persistent durant les autres activités et au repos.

Ces symptômes physiques interviennent lorsque le salarié dépasse ses capacités fonctionnelles et ne bénéficie pas d’une récupération suffisante.

On distingue 3 facteurs de risques :

  1. Les facteurs biomécaniques dont quatre paramètres favorisent l’apparition de TMS :
    • La posture : en dehors de la zone de confort, entraîne un étirement ou compression des structures ;
    • La force : l’intensité de la force, le type de contraction musculaire, la position articulaire et la distance de prise, la préhension, les caractéristiques de l’objet soulevé ;
    • La répétition ;
    • La durée de l’activité.

Les facteurs organisationnels

Des mauvaises conditions de travail avec des problèmes d’organisations et de conditions participent directement aux TMS.

En effet, on peut citer :

Les cadences élevées

  • travail répétitif intense
  • délais stricts, productivité élevée Le manque de personnel
  • surcharge de travail
  • intensification des gestes

La mauvaise conception des postes de travail

  • ergonomie insuffisante
  • outils mal adaptés
  • plans de travail trop hauts ou trop bas Le travail monotone
  • Les mêmes gestes toute la journée conduisent à la sollicitation des mêmes

Les horaires inadaptés

  • travail de nuit
  • longues amplitudes intenses
  • fatigue accrue

Les mécanismes de la douleur

Penchons-nous de plus près sur les recherches tentant de cerner les mécanismes du sujet afin de pouvoir clarifier le lien avec le sport.

En France, le Réseau de recherches sur la douleur regroupe une trentaine d’équipes autour de thématiques de recherche tant fondamentales que cliniques.

De grandes avancées sur la compréhension des causes de la douleur chroniques ont été accomplies ces vingt dernières années, montrant qu’elle n’est pas uniquement neuronale.

Traditionnellement, la douleur normale, aussi appelée aiguë, est signal d’alerte d’une lésion ou d’un danger, servant à protéger l’organisme en le poussant à agir. La peau, les muscles et les autres organes sont munis de nocicepteurs (neurones sensibles à la douleur), qui se convertissent en signal électrique dans des cas de blessure, brûlure, inflammation ou pression forte.

Le signal se transmet le long des nerfs périphériques jusqu’à la moelle épinière, qui agit comme un centre de tri, où l’information peut être amplifiée, ralentie ou bloquée selon le contexte et la sensibilité émotionnelle : être concentré ou stressé peut rendre la douleur plus ou moins supportable 

Cette information monte jusqu’au cerveau dont plusieurs zones vont être impliquées :

  • Thalamus : centre de tri sensoriel ;
  • Cortex somato-sensoriel : localise la douleur ;
  • Système limbique : donne la valence émotionnelle (“ça fait peur”, “c’est désagréable”) ;
  • Cortex préfrontal : évalue la signification de la douleur (“c’est grave”, “c’est supportable”).

La douleur est une sensation consciente fabriquée par le cerveau – sans celui-ci, elle ne peut pas être ressentie, même si les nerfs sont activés.

Une fois la blessure guérie, le système s’éteint et la douleur disparaît. Cependant, lorsque le système d’alarme ne s’éteint pas, même sans danger réel ou lésion active, la douleur persiste et devient chronique. Les nerfs ou la moelle épinière deviennent alors hypersensibles, transmettant des signaux de douleur même pour des stimulations normales : un cas appelé la sensibilisation centrale. Avec le temps, le cerveau garde en mémoire un “circuit de la douleur” actif en permanence et qui se renforce jusqu’à en devenir une habitude, on parle de neuro-plasticité mal adaptée.

Les facteurs psychosociaux

Souvent sous-estimée, la pression mentale joue un rôle important dans la santé musculo-squelettique. La peur de mal faire, des to-do list à rallonge ou bien des exigences élevées créent un stress professionnel pouvant causer des tensions musculaires ou favoriser des douleurs chroniques. En outre, une faible autonomie réduit les marges de manœuvre pour organiser son rythme, créant ainsi de la fatigue mentale, à cause de tensions physiques. Ou encore un management non-reconnaissant et autoritaire additionné à des conflits entre collègues sont à l’origine de surcharge émotionnelle, provoquant anxiété et contractures musculaires

Les TMS, une maladie collective

Les politiques publiques ainsi que privées reconnaissent leurs responsabilités dans les TMS. Au vue des pertes économiques, comme expliqué précédemment, des mesures de préventions sont mises en place pour l’intérêt collectif. Parmi celles-ci , des normes juridiques sont imposées pour réfléchir à l’ergonomie des postes et rendre l’environnement le moins dangereux possible. L’Assurance Maladie (Risques professionnels) a versé 44 112 680 € en subventions aux entreprises dans le cadre de la subvention « Prévention des risques ergonomiques », lancée début 2024. Cette subvention permet aux entreprises d’investir dans des actions de prévention (équipements, formation, diagnostic…), particulièrement pour réduire les risques de TMS. Plus de 5 600 entreprises ont bénéficié de cette aide en 2024. Parmi les outils, le sport est de plus en plus adopté dans le milieu professionnel. Selon l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (2023), le retour sur investissement (ROI) pour 1€ investi en santé et sécurité au travail, est de 2 à 5 € sur 18 mois. Il existe aussi des exonérations de cotisations sociales quand l’employeur met à disposition des équipements sportifs ou finance des activités physiques. Par exemple, le financement d’une activité collective peut être exonéré dans certaines limites (ex : en 2025, la limite correspond à 5 % du plafond de la sécurité sociale multiplié par le nombre de salariés).

Le sport, un levier majeur contre les TMS

L’activité physique et le sport apparaissent aujourd’hui comme des leviers majeurs de prévention, en raison de leurs effets démontrés sur la fonction musculaire, articulaire et neurophysiologique.

Sur le plan biomécanique, l’activité physique régulière renforce les muscles du dos, des épaules, du cou, des poignets, souvent faibles et sur-sollicités. Le renforcement améliore la stabilité articulaire et réduit les forces de cisaillement exercées sur les structures musculo-squelettiques lors des mouvements professionnels répétitifs. Par ailleurs, les exercices de mobilité ou de souplesse, que l’on retrouve dans le Pilates ou le yoga, préviennent les douleurs des tissus conjonctifs, diminuent les contraintes mécaniques localisées et favorisent une meilleure amplitude, essentielle pour éviter les compensations posturales pathogènes (exemple : cambrure exagérée du bas du dos pour compenser un manque de gainage abdominale).

D’un point de vue physiologique, l’activité physique agit sur la vascularisation des tissus, permettant une meilleure oxygénation des muscles et une diminution des phénomènes inflammatoires. En effet, l’exercice régulier augmente la production de substances anti-inflammatoires comme les myokines, libérées par les muscles en mouvement. De plus, le sport stimule la circulation lymphatique (évacuation des déchets cellulaires), la synthèse protéique (réparation musculaire) et la capillarisation (création de nouveaux petits vaisseaux), permettant aux tissus de mieux récupérer après une journée de travail.

Les dimensions neuropsychologiques jouent également un rôle central. Le stress est identifié comme un facteur aggravant des TMS, en raison du tonus musculaire accru qu’il génère, notamment au niveau des trapèzes et de la région cervicale. La pratique sportive, en stimulant la libération d’endorphines et en améliorant la régulation émotionnelle (sécrétion de sérotonine et dopamine : neurotransmetteurs du bien-être), elle entraîne une réduction significative de ce tonus de repos et participe ainsi à la prévention des douleurs musculo-squelettiques. L’aérobie, les exercices de respiration ou le pilates sont conseillés pour activer le système parasympathique (le système nerveux calmant), ce qui diminue l’excitabilité musculaire et les contractions involontaires.

Enfin, le sport et l’activité physique adaptée permettent le développement de schémas moteurs plus efficaces. L’apprentissage du contrôle postural, du gainage ou de techniques de port de charge favorise un mouvement plus économique et plus sûr, réduisant l’apparition de microtraumatismes.

En définitive, l’activité physique agit simultanément sur les plans musculaire, articulaire, circulatoire et psychologique. Sa mise en œuvre dans les politiques de prévention des TMS repose sur un ensemble de preuves scientifiques montrant qu’elle constitue un déterminant essentiel de la santé musculo-squelettique. Cependant, afin d’être pleinement efficace, le sport doit être intégrée dans une démarche globale combinant ergonomie, organisation du travail et formation des travailleurs.

Le sport, un remède politique contre les TMS mais encore mal exploité

Le problème des TMS ne se limite pas à une dimension strictement médicale. L’implication de l’Etat et des entreprises prouvent que le corps est façonné par des dynamiques collectives, environnementales, organisationnelles et de cohésion sociale. Ainsi sa sédentarité ne s’arrête pas qu’au choix de l’individu, elle s’inscrit aussi dans des logiques sociales et structurelles. L’intégration du sport dans les politiques de prévention illustre son rôle à la fois culturel et social, capable d’influencer les pratiques, les normes et les représentations du corps. Cependant, malgré la prise conscience des pouvoirs publics, l’application de ces dispositifs reste

insuffisante face à l’ampleur des besoins. Le Fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (FIPU), créé en 2023, a été doté de 200 millions d’euros en 2024. Malgré cela, les premières évaluations montrent que seulement environ 30 % des crédits ont été consommés en 2024. Cet exemple reflète à quel point les acteurs privés et notamment les clubs de sport marchands, par leur diversité, leur répartition géographique, leur encadrement  ont leur place et pourraient avoir une grande efficacité dans ce dispositif

Confier, pour une part, au secteur privé cette mission serait du ‘’gagnant gagnant » à condition qu’une petite partie des économies  réalisés par l’Etat sur le coût énorme des TMS permette aux clubs privés de bénéficier de meilleures conditions fiscales       

Les dispositifs sportifs pour la santé ne peuvent s’organiser qu’en associant public et privé. Ils nécessitent une organisation collective, structurée et durable. A défaut, ces actions politiques risquent de rester marginales et de renforcer les inégalités d’accès à l’accompagnement sportif et ainsi à la prévention des TMS.

 

 

Sources :

https://travail-emploi.gouv.fr/la-prevention-des-troubles-musculo-squelettiques-tms https://www.ameli.fr/hauts-de-seine/entreprise/actualites/44-millions-d-euros-pour-lutter-contre-l es-tms-en-2024 https://ffse.fr/sport-entreprise/pourquoi-pratiquer-en-entreprise https://bigmedia.bpifrance.fr/nos-dossiers/sport-en-entreprise-et-qvt-un-levier-pour-ameliorer-la-sante-des-salaries https://travail-emploi.gouv.fr/le-fonds-dinvestissement-dans-la-prevention-de-lusure-professionn elle-dote-de-30-millions-deuros-en-2023-et-200-millions-en-2024 https://www.carcept-prev.fr/actualites/fipu-seuls-31-des-fonds-consommes-en-2024

Hajare HARIR
Diplômée en sociologie appliquée – Université de Paris Descartes ;
Coach sportive spécialisée boxe et pilâtes.

 

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